De Noir Désir à David Guetta : Les Métamorphoses Musicales de Musilac

L’identité d’un festival de musique est une chose vivante, en perpétuelle évolution. Celle de Musilac est particulièrement fascinante à observer, car elle raconte en accéléré les grandes mutations de l’industrie musicale des vingt dernières années. Né en 2002 avec un ADN résolument pop-rock français, le festival d’Aix-les-Bains a su, au fil des éditions, élargir sa palette, s’ouvrir à de nouveaux genres et embrasser les tendances, sans jamais perdre son âme. Cette trajectoire n’est pas une ligne droite ; c’est une série de virages, de paris et d’ajustements qui ont transformé un événement de niche en un rendez-vous éclectique et transgénérationnel. Tracer l’histoire de la programmation de Musilac, c’est comprendre comment un festival peut grandir, se diversifier et rester pertinent dans un monde où les goûts musicaux se fragmentent et se recomposent à une vitesse folle.

Les premières éditions donnent le ton. En 2002, pour son inauguration, Musilac frappe un grand coup en affichant deux des plus grands noms du rock hexagonal de l’époque : Indochine et Noir Désir, accompagnés des jeunes prometteurs de Superbus. L’ADN est clair : Musilac sera un festival de rock, avec un fort accent mis sur la scène française. Les années suivantes confirment cette direction, avec des passages de -M-, de Calogero, de Placebo ou de Franz Ferdinand. C’est l’âge d’or d’un certain rock alternatif qui séduit un large public. Le festival se construit une réputation solide sur ce créneau, devenant rapidement le plus grand événement du genre dans une région Rhône-Alpes alors un peu délaissée par les grandes tournées estivales.

Le premier grand virage s’opère à la fin des années 2000 et au début des années 2010. Le festival, qui a considérablement grandi en termes d’affluence, commence à s’ouvrir à des têtes d’affiche internationales plus massives et plus variées. Le passage de légendes comme The Cure, Lenny Kravitz ou Muse marque un changement de statut. Musilac n’est plus seulement un grand festival français, il joue désormais dans la cour des grands événements européens. Cette internationalisation s’accompagne d’une ouverture stylistique. Le rock reste la colonne vertébrale, mais il est de plus en plus complété par des artistes issus de la pop, de la chanson ou du reggae.

Le véritable tournant, celui qui va faire grincer quelques dents chez les puristes de la première heure, est l’arrivée en force de l’électro et du rap. En programmant des superstars des platines comme David Guetta ou DJ Snake, ou des figures majeures du rap français comme Orelsan ou Soprano, Musilac fait un pari audacieux : celui de l’éclectisme total. Les organisateurs ont compris que le public a changé. Les nouvelles générations n’écoutent plus un seul genre musical ; elles piochent dans des playlists où le rock, le rap, l’électro et la pop cohabitent sans complexe. Refuser cette réalité aurait condamné le festival à vieillir avec son public initial. En embrassant cette diversité, Musilac a assuré son renouvellement et sa pertinence. Pour avoir une vue d’ensemble sur la richesse de la programmation au fil des ans, vous pouvez consulter les archives. Plus de détails ici.

Cette évolution s’est également matérialisée sur le site lui-même. La création en 2017 de la troisième scène, le Korner, a été une étape clé. Plus petite, plus intime, elle est devenue le lieu de l’expérimentation et de la découverte. C’est sur cette scène que le festival peut prendre des risques, en programmant des artistes émergents ou des genres plus pointus. Le “Tremplin Musilac”, qui offre à de jeunes talents l’opportunité d’ouvrir le festival sur le Korner, s’inscrit dans cette même logique de découverte et de soutien à la nouvelle scène.

• Les Têtes d’Affiche Internationales : Indispensables pour attirer un large public et garantir la stature de l’événement (ex: Muse, Blink-182).
• Les Valeurs Sûres de la Scène Française : Des artistes confirmés qui rassemblent un public transgénérationnel (ex: Jean-Louis Aubert, Louise Attaque).
• Les Stars du Rap et de l’Électro : Pour capter les nouvelles générations et rester en phase avec les tendances actuelles (ex: Orelsan, David Guetta).
• Les Découvertes et Talents Émergents : Pour jouer son rôle de défricheur et préparer l’avenir, notamment via le Korner et le Tremplin.

Aujourd’hui, le Musilac programme est un reflet fidèle de la consommation musicale contemporaine : un “grand mix” où une légende du rock peut succéder à un DJ star, et où un rappeur peut partager l’affiche avec une chanteuse de variété. Cette formule, parfois critiquée pour son manque de ligne directrice claire, est en réalité sa plus grande force. Elle permet de rassembler, sur les mêmes pelouses face au lac, des publics d’âges et d’horizons très différents, créant une ambiance de fête unique, tolérante et ouverte. En refusant de choisir un camp, Musilac a choisi de tous les accueillir. C’est peut-être cela, la définition la plus moderne et la plus intelligente d’un festival populaire.